Parler (presque) comme un Tahitien
- orivetahiti
- 14 déc. 2024
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 déc. 2024

Le dépaysement commence dès l’aéroport de Faa’a, où vous serez charmés d’entendre parler français avec des accents chantants et des « r » qui roulent en cascade.
Vous serez sans doute surpris de vous faire tutoyer dès l’arrivée à la douane, ou encore de constater qu’on passe facilement du tahitien au français, voire qu’on mélange allègrement les deux dans la même phrase.
Alors voici un petit guide de « Reo Tahiti » pour parler comme les tahitiens… ou presque !
Le Tahitien, une langue régionale active et une fierté
Tous les tahitiens ne maîtrisent pas parfaitement leur langue, mais ils sont nombreux à la comprendre, et ils en sont fiers. Comme pour le reste, le reo Tahiti (langue tahitienne) fait partie du patrimoine culturel et les polynésiens ont à cœur de la conserver et sauront la transmettre.
Plus que d’autres, cette langue est aussi et surtout le ciment d’une culture.
Je ressens toujours beaucoup d’émotion quand dans une soirée, les ukulele sont de sortie et que toutes et tous, les jeunes comme les anciens, entonnent des chants traditionnels pendant des heures, connaissant les paroles par cœur.
La langue est belle, pleine de voyelles (il n’y a que 8 consonnes – f h m n p r t v - pour 5 voyelles), ce qui la rend très chantante. Elle se chante autant qu’elle se parle, montant dans les aigus et s’accordant avec une gestuelle qui lui est propre.
Car vous le verrez, les tahitiens parlent aussi avec les expressions du visage, parfois sans prononcer un mot. Soyez attentifs car par exemple, pour dire « oui », il est fréquent ici de simplement lever les sourcils avec un petit coup de menton !
La prononciation
Entre l’écrire et le prononcer, la différence est grande : les voyelles se prononcent à l’espagnol (a, e=é, i, o, u=ou), les h s’aspirent à l’anglaise et les r doivent être roulés avec délectation.
Pour les a, on rajoute une difficulté, appelé le tarava: il peuvent être allongés et sont notés a avec une barre horizontale.
Le ‘eta, qui apparaît dans les mots sous forme d’apostrophe (parfois au début du mot), correspond à ce qu’on appelle un coup de glotte, qui « suspend » la prononciation.
Le tarava et le ‘eta ne sont pas anecdotiques, car ils peuvent changer totalement le sens de 2 mots qui vous sembleraient identiques.
Le tutoiement

Attention, à part les coups de soleil, vouvoyer est le meilleur moyen de se faire démasquer comme touriste !
Ici tout le monde se tutoie, que ce soit entre amis ou au travail, à la plage ou dans les commerces, même quand on ne se connaît pas. Préparez-vous car en tant qu’européen on est conditionné et ce n’est pas si facile au début.
Comprenez bien que ce n’est pas de la désinvolture ou un manque de respect, bien au contraire. C’est une façon d’accueillir son prochain et de le traiter comme un égal, voire un ami. C’est contre intuitif pour nous, mais en pratiquant le tutoiement, vous n’abaissez ni n’agressez votre interlocuteur, mais vous établissez un contact équilibré et surtout respectueux avec lui.
Croyez-moi, ça change tout dans la relation (et je me suis souvent dit que les anglais avaient un avantage sur nous, qui nous encombrons avec le « vous » et qui mettons de la distance). Je me souviens de la tête de ma mère le jour de notre arrivée, en 1982, quand elle est entrée dans le magasin et que la vendeuse lui a lancé avec un grand sourire : « Ia Ora Na Madame, qu’est-ce que tu veux ? ». Ou quand au restaurant le serveur vient poser la main sur l’épaule d’un touriste en lui disant « Alors t’as pas fini pa’i ? T’as pas faim ? ».
Bien sûr, il n’y a aucune obligation et vous pourrez continuer à vouvoyer, mais ne soyez pas surpris si on vous tutoie en retour. Vous constaterez d’ailleurs que par endroits (hôtels de luxe, plateaux télé, …) le vouvoiement s’immisce, mais pour moi comme pour beaucoup, cela ressemble à du théâtre et à une coupable concession faite à l’occidentalisation.

Petit kit de survie linguistique
Dans la pratique, la langue de tous les jours est le français auquel on incorpore des mots tahitiens. On se comprend aisément et on ne cherchera pas à vous perdre volontairement, mais il sera parfois déroutant de comprendre le sens d’une phrase sans en avoir compris tous les mots.
Voici donc une liste de mots courants, réellement utilisés dans les discussions au quotidien, avec laquelle vous serez vite familiers. C’est d’ailleurs ce qui vous donnera l’agréable sentiment d’être devenus un peu des locaux, et qui vous permettra de flamber fièrement auprès de vos amis de retour à la maison !
Mon conseil : soyez humble, n’essayez pas de prononcer les mots si vous ne les maîtrisez pas bien, ça ferait sourire. Restez en français si c’est plus commode, mais si vous faites l’effort d’employer quelques mots locaux, on vous en sera reconnaissants.
Ia Ora Na : Bonjour
Nana : Au revoir
Maururu : Merci
Maeva, Manava : Bienvenue
E : oui
Aita : non
Aita peapea : pas de problème
Tama’a : repas, manger
Tama’a maita’i : bon appétit
Maita’i : bien
Manuia ! : à ta santé !
Faaitoito : bon courage
Fiu : fatigué, las (peut être utilisé dans pas mal de circonstances)
Vahine : femme
Tane : mari
Motu : Ile
Moana : Océan
Honu : Tortue (marine)
Ma’o : Requin
Marae : lieu de culte
Popaa : européen, blanc
Farani : français
Tinito : chinois
Fare : maison
Uru : l’arbre à pain
Api : nouveau
Vai, pape : l’eau
Himene : chanter
Va’a : pirogue traditionnelle
Poe : perle (alors que le po’e est un dessert)
Nui : grand (comme Tahiti Nui, l’île principale)
Iti : petit (comme Tahiti Iti, la presqu’île… ou comme fare iti : les toilettes !)
Tiare : fleur (nom générique). Pour la fleur de Tiare, on dit Tiare Tahiti.
Pour aller plus loin et découvrir la grammaire, la prononciation et les subtilités de la langue tahitienne :

Bon à savoir : issu des dialectes indo-malais, le tahitien est resté longtemps oral et n’a été transcrit à l’écrit qu’en 1805 par les missionnaires.
Les distances entre les archipels font qu’on recense 5 langues ma’ohi : le reo Tahiti (la plus répandue), le reo Paumotu (des Tuamotus, utilisant la lettre g dans son alphabet), le reo ‘enata (des Marquises, utilisant la lettre k), ainsi que la langue des Australes et le Mangarévien (dans les Gambiers).
Comme beaucoup de langues régionales, le tahitien a été interdit une partie du 20ème siècle, et ce n’est qu’en 1975 qu’est née l’Académie tahitienne, pour obtenir en 1980 que ce soit une des deux langues officielles du Territoire (bien qu’elle soit considérée comme une langue régionale), puis en 1982 que le tahitien apparaisse dans l’enseignement scolaire, d’abord à une petite place aux côtés du français.
En 1999, on instaure une journée du « Réo Ma’ohi » (littéralement « langue polynésienne »), chaque 28 novembre.
Plus près de nous, le 8 avril 2021, la loi Molac adoptée par l’Assemblée nationale, visant à protéger les langues régionales, va permettre de donner plus de place au tahitien dans les écoles.
Voir le reportage « la langue tahitienne mise en valeur » sur U Tube
Comments