LA LITTERATURE POLYNESIENNE
- orivetahiti
- 7 févr.
- 5 min de lecture
Le voyageur commencera souvent son trajet grâce à la littérature. Les livres nous transportent vers des destinations inconnues, des personnages plus ou moins familiers, et parfois même dans le passé.
La littérature polynésienne, souvent méconnue au-delà de l’Océan Pacifique, s'avère riche, diverse et profondément liée à ses racines culturelles et spirituelles.
J’ai fait pour vous une sélection d’ouvrages qui méritent le détour et permettent de «sentir » l’art de vivre du Pacifique, ainsi que les tiraillements entre modernité et traditions.

Les Récits sur les Mythes : Une Connexion avec l’Invisible
Les mythes et légendes de la Polynésie occupent une place centrale dans la littérature, car ils transmettent des valeurs et des croyances, mais ils servent aussi à expliquer le monde et l’origine des peuples.
La culture polynésienne étant de tradition orale, opprimée par les missionnaires religieux pendant plus d’un siècle, il est probable qu’une bonne partie de la cosmogonie se soit perdue dans les versions propres à chaque île et dans les multiples adaptations familiales.

Plusieurs ouvrages permettent pourtant de découvrir les grands thèmes communs de la mythologie, parmi lesquels :
· Robert Wan - Les mythes polynésiens : Cet ouvrage est une réédition moderne des mythes polynésiens classiques. Robert Wan, un auteur et poète polynésien reconnu, y compile des légendes anciennes et y apporte une touche contemporaine en les adaptant aux réalités actuelles. L'ouvrage explore la place des dieux et des ancêtres dans le quotidien des Polynésiens tout en montrant l’évolution des croyances à travers les siècles.
· Tahiti des dieux et des héros – MartineDorra et Isa Artur
· Jeu : L’oracle du Mana, par Céline Hervé-Bazin – pour découvrir en s’amusant les secrets de la sagesse polynésienne
Les auteurs « classiques » : les témoins d’époques révolues
Les découvreurs Louis-Antoine De Bougainville, avec Voyage autour du monde, et James Cook avec Relations de voyages autour du monde, doivent figurer en tête de liste des auteurs classiques, eux qui ont permis la découverte des îles de Polynésie.
Toutefois, pour l’intérêt littéraire, les auteurs suivants sont de vraies figures emblématiques de la Polynésie (certains ont donné leur nom à des rues, des quartiers, ou ont leur musée) :
Pierre Loti a marqué la littérature polynésienne par son livre Le Mariage de Loti (1880), dans lequel il raconte son expérience à Tahiti. À travers son regard de colonisateur romantique, Loti dévoile une Polynésie idéalisée qui influencera l'image de la région à l'époque.

Plus célèbre pour sa peinture, Paul Gauguin a également marqué l’histoire littéraire de la Polynésie par ses écrits.
Dans son livre Noa Noa (1901), un journal intime rédigé lors de son premier séjour à Tahiti en 1891, Gauguin raconte ses impressions sur la vie tahitienne, les paysages, la culture locale et ses réflexions personnelles sur l’art et la civilisation européenne.
Personnellement, j’accorde une place toute particulière au recueil de ses écrits, dans le livre Oviri, qui donne à comprendre la profondeur de réflexion de ce peintre et son amour pour la société polynésienne.
James Nordman Hall est un écrivain et poète d'origine américaine, installé à Tahiti au début du XXe siècle. Dans La Polynésie et la Civilisation (1924), il explore les relations complexes entre la culture polynésienne traditionnelle et les influences européennes, tout en soulignant la richesse et la profondeur des coutumes locales.
Mon coup de cœur reste cependant l’Ile perdue, où il décrit l’arrivée des américains sur un atoll fictif (qui correspond à l’arrivée des US sur Bora Bora) et parvient à dénoncer avec poésie le choc brutal que cela fut pour les Polynésiens, encore naïfs et accueillants.
Pour une bibliothèque plus complète, je citerais encore :

Hermann Melville - Taïpi
Robert Merle – l’île (sur la base de l’histoire des révoltés du Bounty, dont il assume s’être écarté)
Victor Segalen – les immémoriaux (1907) – beau livre sur le plan littéraire mais très éloigné de la réalité polynésienne.
Henri Hiro – poèmes tahitiens (1962). Écrivain et poète, il est surtout connu pour son engagement dans la préservation de la langue et de la culture polynésienne face aux influences extérieures.
Régis Dufresnes – Tahiti ou les derniers jours d’Atahualpa.
Anecdotes :
Vendredi ou les limbes du Pacifique, de Michel Tournier, n’a rien à voir avec la Polynésie. L’histoire originale de Robinson Crusoe a été écrite par Daniel Defoe, qui n’a jamais quitté l’Angleterre, et qui s’est inspiré de l’histoire vraie d’Henry Pitman, un anglais exilé de force en 1685 vers… les Caraïbes !
En revanche, Robert Louis Stevenson a bel et bien passé 2 années dans le Pacifique, au Samoa, mais… après avoir écrit L’île au Trésor !
Les auteurs contemporains : reflets de la société polynésienne
La littérature polynésienne a connu une véritable renaissance au XXe siècle avec l'émergence de nouveaux écrivains qui ont su conjuguer les influences traditionnelles avec les réalités sociales, politiques et économiques contemporaines.
Ces auteurs reflètent la diversité des sociétés polynésiennes modernes tout en gardant un lien avec leurs racines culturelles.
En voici une sélection, non exhaustive, de ceux que j’ai pu lire ou parcourir.

Célestine Hitiura Vaite – L’arbre à pain et sa trilogie. Pour ceux qui ont vécu à Tahiti dans les années 80, vous découvrirez de nombreuses « madeleines de Proust » dans les scènes de vie de tous les jours.
Moana Blues – Anne-Catherine Blanc. Sur le rapport à l’Océan et sur le rythme de la Presqu’île, à travers les yeux d’un Popa’a plus ou moins bien intégré.
Mario Vargas Llosa – Un peu plus loin.
Chantal T. Spitz - auteure polynésienne contemporaine qui aborde des thèmes tels que l’identité, la migration et les luttes politiques à travers un prisme féministe. Son roman L’île des rêves écrasés a fait grand bruit en 1991.
Vincent Englebert est un écrivain polynésien particulièrement connu pour son roman L'ombre d'un cœur (1998), dans lequel il explore les tensions entre le passé traditionnel et le présent colonial en Polynésie.
Léonard J. Senne est un écrivain engagé dont les œuvres abordent principalement la question de l’identitépolynésienne dans un contexte de modernité. Dans Les Enfants du Vent (2002), Senne traite de la quête d’identité des jeunes Polynésiens
Romans et policiers
Patrice Guirao – le bûcher de Moorea, les disparus de Pukatapu et d’autres encore. Pour déambuler dans les îles au gré d’enquêtes et de rencontres de personnages polynésiens typiques (le propriétaire chinois vous fera sans doute sourire).
Wilkie Collins – Iolani ou les maléfices de Tahiti – sur une île vierge de toute présence européenne, l’histoire d’une femme qui fuit pour échapper à la coutume du sacrifice de l’aîné.
Cette bibliographie « idéale » n'est bien sûr pas exhaustive (pardon pour les nombreux auteurs de qualité que je n'ai pas cités...) mais elle offre un aperçu de la richesse de la production littéraire de la Polynésie, pour ceux qui souhaitent explorer cette littérature unique, marquée par la connexion avec la nature, l’esprit communautaire et la spiritualité des îles du Pacifique.
En quelque sorte, un avant-goût de votre voyage et de vos futures rencontres !
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